Société Entomologique du Nord de la France

Les Grandes Figures de l'Entomologie Nordiste

Par Jean-Luc Vago et Jean-Loup D'Hondt.
Article publié dans le Bulletin de la Société Entomologique du Nord de la France n°349, 4e trimestre 2013

Edmond Auverlot (1929-2010)

Originaire de Quarouble, près de Valenciennes, Edmond Auverlot a marqué la vie de la société entomologique pendant une cinquantaine d’années. Assidu à ses sorties comme à ses réunions, ses interventions, toujours franches, avaient une grande écoute.

C’était un homme de terrain mais d’une santé fragile du fait de problèmes pulmonaires dans sa jeunesse. Grâce au soutien physique et moral de son épouse Denise, il put malgré tout parcourir toute la France, puis continuer ses sorties dans le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme jusque peu de temps avant son décès.

Il a réuni une très belle collection principalement de Lépidoptères et de Coléoptères. Mais sa passion principale était celle de l’étude des micro-coléoptères, qu’il recueillait, préparait avec beaucoup de soin, déterminait avec beaucoup de rigueur et photographiait avec une technique sans cesse améliorée. Contrairement à beaucoup, il ne cherchait pas la bête rare, mais toutes les espèces, de la plus commune à la plus rare, l’intéressaient.

Il a publié ses observations dans de nombreux articles du Bulletin de la Société entomologique et quelques autres. Naturaliste accomplit, il connaissait très bien la nature par ailleurs et était un excellent botaniste.

Son importante collection, oeuvre de toute une vie, a été léguée en 2011 au Musée d’Histoire naturelles de Lille par son épouse. Elle est ainsi disponible pour les générations futures

Ernest Cavro (1880-1972)

Né à Lécluse, petit village de la Vallée de la Sensée, d’un père instituteur, il passe son enfance à Bourghelles près de Lille, puis entre à l’Ecole Normale de Douai en 1896. Instituteur à Roubaix de 1900 à 1930, il était de la race de ces instituteurs du début du XXème siècle pour qui il ne s’agissait pas simplement de mener les élèves au certificat, mais de forger des caractères aptes à affronter une vie qui s’annonçait rude. Déjà, il recevait chez lui ses élèves et les initiait aux collections d’insectes. Son épouse était Professeur agrégée de Sciences naturelles au Lycée de Roubaix.

De 1907 à 1940, il fut conservateur au Musée de Roubaix, où il réorganise les collections de peintures, sculptures, tissus, numismatique, préhistoire, oiseaux… Il y crée des sections nouvelles : géologie, minéralogie, entomologie.

En 1903, le Professeur Malaquin l’encourage à étudier les Hyménoptères, peu connus dans la région. Il se met au travail, et en 1909, il présente un premier Catalogue d’hyménoptères du Nord au Congrès Régional de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences.

Ernest Cavro est Vice-Président fondateur de la Société entomologique du Nord de la France en 1937, aux côtés de J. Derveaux, Président et de M. Goulliart ; le Professeur A. Malaquin est Président d’Honneur. Il s’occupera de la correspondance, de la charge administrative et de la parution du Bulletin de la Société jusqu’à son décès.

Ernest Cavro aimait les contacts entre membre de la Société et surtout avec les jeunes qu’il recevait amicalement chez lui à Féchain, village de la Vallée de la Sensée situé à proximité de son lieu de naissance, et où il s’était retiré après son départ en retraite. Les deux auteurs, qui furent reçus chez lui, peuvent témoigner de la cordialité de son accueil.

L’oeuvre essentielle d’E. Cavro est le Catalogue des Hyménoptères du Département du Nord et des régions limitrophes, couvrant le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, l’Ardenne et la Belgique frontalière, paru en supplément au Bulletin de la Société entomologique du Nord de la France en 1950, 1951, 1954. Il avait réuni une très importante collection régionale, actuellement au Muséum de Paris. Ses exemplaires avaient été examinés par les meilleurs spécialistes de l’époque ; le Professeur Bernard, auteur d’une Faune de France, et Santschi de Kairouan pour les fourmis ; Aubert du Laboratoire des Etres organisés de Paris, Perkins du British Muséum, Leclercq de Gembloux, Constantineanu de Roumanie, Ceballos d’Espagne pour les Ichneumonides ; Nixon du British Muséum pour les Braconides ; Ferrières de Suisse pour les Chalcidiens ; Pasteels de Bruxelles pour les Tenthrèdes et ceci pour n’en citer que quelques-uns. Les collections régionales avaient été examinées : de celles des abbés Bridoux et Parent (Pas-de-Calais) il ne restait que peu de chose car elles avaient été détruites lors du bombardement d’Arras pendant la première guerre mondiale ; la collection Lethierry comprenant 6000 hyménoptères avait été emportée en 1915 par les troupes allemandes. Mais Cavro a pris en compte la collection Van Oye, complétée par le Professeur Boulangé, et conservée (encore actuellement) à la Faculté catholique des Sciences de Lille, les collections Carpentier et Schoneich (Somme), Doublet (Ardennes). La collection d’Hyménoptères de Cavro est conservée au Muséum d’Histoire naturelles de Paris.

Cavro fut nommé Officier des Palmes Académiques en 1927, Chevalier du Mérite agricole en 1930, reçu la Médaille d’Argent de l’Education nationale en 1934, le Prix Wicar de la Société des Sciences de Lille en 1933, et eue la joie de se voir remettre en 1966 la Médaille de l’Ordre National du Mérite par le Professeur Defretin.

Jacques André Denis (1902-1972)

Après des études d’ingénieur des mines à l’école des arts et métiers, il travaille durant trente-cinq ans dans les houillères de Douchy, de Denain et d’Anzin. En amateur, il commence à étudier les crustacés décapodes, mais le temps lui manque. Il se tourne alors vers les coléoptères mais la difficulté de l'étude des Curculionides et des Staphylins le rebute. Il songe à s'intéresser aux araignées, domaine moins choisi par les entomologistes amateurs. Il parcourt, à l'heure de la pause déjeuner la campagne alentours.

Un de ses camarades de l'École centrale qui lui fait découvrir la librairie Deyrolle. Là, il trouve la faune d'Eugène Simon (1848-1924). Il découvre des araignées dans les mines du Nord qu’il fréquente et commence alors à s’intéresser à ces animaux. Il devient alors un spécialiste renommé notamment de la famille des Linyphiidae et fait paraître plus de 250 travaux, portant notamment sur la faune du Nord, des Pyrénées et de Vendée.

Il participait réunions et aux sorties de la Société entomologique du Nord de la France, et il a publié plusieurs articles dans son Bulletin sur les araignées de la région. Il a aussi publié, en Suppléments à ce même Bulletin : La chasse et la conservation des araignées (1947), Le venin des araignées (1947), L’étude des Araignées (1948).

Maurice Derveaux (1867-1956)

Inspecteur principal des douanes, Chevalier de la Légion d’Honneur, Maurice Derveaux fut le premier Président de la Société entomologique du Nord de la France, poste qu’il occupa de 1937 à 1956. Il avait réuni une importante collection de Lépidoptères avec entre-autre des captures de la Forêt de Sénart, du Lautaret, de la Grave, de la Meije, du Moucherotte, de l’Auvergne et de la Côte d’Azur, mais celle-ci fut détruite lors d’un bombardement de la gare de Tourcoing pendant la deuxième guerre mondiale. Sans se décourager, il s’attela, après la libération, à la réalisation d’une nouvelle collection. Il a peu publié mais ses conférences lors des réunions de la Société entomologique étaient très appréciées pour leur clarté. Il décède à Tourcoing, presque nonagénaire.

Auguste-Pierre Dutertre (1880-1940)

Essentiellement Géologue, Conservateur de plusieurs Musées du Nord et du Pas-de-Calais, chargé de cours de Géologie à l’Université de Lille, il est tué devant Dunkerque lors de l’offensive de Mai 1940. Il a rédigé un Catalogue des Coléoptères du Boulonnais.

Maurice Goulliart (1893-1992)

Maurice Derveaux, Ernest Cavro et Maurice Goulliart, fondateurs de la Société entomologique du Nord de la France en 1937.

Maurice Goulliart commence sa carrière comme Professeur au collège du Cateau. Pendant la Première Guerre Mondiale, il est mobilisé, et se bat dans les tranchées au sud de Laon, près de Craonne ; de cette période, il aimait à raconter qu’il y fit connaissance avec les Simulies, qui importunaient les combattants en les piquant aux oreilles jusqu’au sang.

Le 1er août 1926, il est nommé Assistant de Zoologie à la Faculté de Lille. Entre 1933 et 1937, il effectue des recherches sur les Copépodes parasites, partageant son temps entre le Laboratoire de Zoologie de Lille et le Laboratoire maritime de Wimereux. Il ne s’agit pas de l’actuel Laboratoire maritime, construit après la Deuxième Guerre mondiale, mais de celui ouvert à la Pointe aux Oies en 1874 grâce aux efforts d’Alfred Giard. Il soutiendra sa thèse de Doctorat ès Sciences Naturelles, choisie sous l’impulsion du Professeur Caullery, et dirigée par les Professeurs Malaquin et Dehorne le 29 juin 1937, sur un mémoire intitulé "Recherches sur les Copépodes parasites (Biologie, Spermatogenèse, Ovogenèse)". Il poursuivra ensuite des recherches sur les pigments respiratoires.

Cette même année 1937, il fonde la Société entomologique du Nord de la France dont il est nommé Vice-Président, aux côtés de Maurice Derveaux, Président, et d’Ernest Cavro, Secrétaire.

Pendant la guerre 1939-1945, resté à Lille et accompagné de René Defretin, il permet au Laboratoire de Zoologie de fonctionner à peu près normalement. De cette période difficile, il relate que manquant de matériel pour assurer les travaux pratique, langoustines, merlans, grenouilles, souris, oursins, il se dépannait en envoyant son garçon de laboratoire à l’urinoir public le plus proche où il recueillait des centaines du diptère grégaire Teichomyza fusca.

Après la guerre, il est nommé dans le nouveau poste de Chef de Travaux de Biologie animale. Il partira en retraite en 1959. En 1955, il remplace J. Derveaux à la Présidence de la Société entomologique du Nord de la France.

Dès 1938, il participe aux activités de la Société entomologique du Nord de la France par des conférences qui sont imprimées dans le Bulletin : elles portent sur l’élevage des larves d’insectes, le vol chez les insectes, la réalisation de préparations microscopiques, les hormones et la métamorphose ; notons particulièrement une conférence, en 1950, expliquant la « conquête du monde par les insectes », où il développe ce sujet en fonction de la mobilité continentale, citant Wegener et sa théorie remplaçant celle des ponts intercontinentaux ; cette vision des choses, soutenue par quelques entomologistes de l’époque, dont Jeannel du Museum de Paris, innovante, était encore fortement contestée.

Au début des années 1950, il commence à réunir une importante collection régionale d’insectes de tous ordres, considérée comme étant au moins en partie celle de la Société entomologique du Nord de la France, car elle incorpore de nombreux dons de ses membres, et même des cartons acquis sur les fonds de la Société, par exemple 32 cartons de coléoptères de la collection Schoneich en 1954. Cette collection est particulièrement riche en hyménoptères (75 cartons), notamment des Ichneumonides et Symphytes. Il faut dire que Maurice Goulliart recevait de nombreux insectes de ces groupes, pour identification, mais en rendait très peu. Cette collection fut longtemps inaccessible, mais son fils André Goulliart (1923-2010), en accord avec sa famille, l’a léguée récemment au Musée d’Histoire naturelle de la ville de Lille. Les Ichneumonidae (par Vago et Valemberg) et les Pimplinae (par Libert) sont en cours d’étude. Les autres groupes devraient l’être petit à petit. Cette collection présente le grand intérêt de montrer quel était l’état de la faune entomologique régionale entre 1950 et 1980 environ.

Basés sur cette collection et d’autres, il publie divers travaux sur la faune entomologique régionale, citons principalement :

• un Catalogue des Odonates du Nord de la France (1960-1961)
• dans les années 1980-1990 une série d’articles systématiques et faunistiques, accompagnés de nombreux dessins, sur les Carabiques du Nord de la France, passant en revue les genres Molops, Abax, Agonum, Anchus, Anchonemus, Europhilus, Amara, Cyrtonotus, Percosia, Bradytus, Brachynus, Odacantha, Masoreus, Lamprias, Lebia, Demetrias, Dromius, Philorhyzus, Syntomus, Microlestes, Calathus, Callistus, Chlaenius, Agostenus, Oodes, Harpalus, Leistus, Badister, Licinus, Notaphus, Notiophilus, Platysma ; ces travaux ont été réunis en un fascicule unique en 1994.
• un catalogue des Cerambycidae du Nord de la France (1976)
• ainsi que quelques articles sur les Ichneumonides du Nord de la France et les Baléares.

Il avait en projet une refonte du Catalogue des Hyménoptères d’Ernest Cavro, pour les Symphytes, les Ichneumoninae et les Pimplinae, travail qu’il ne réalisera pas. Sa collection conservée au Musée de Lille devrait permettre de le réaliser. Il décède à presque 100 ans, après une partie de pétanque avec ses amis, en plein soleil, devant son domicile.

Pierre Lesne (1871-1949)

Né à Landrecies le 9 avril 1871, familiarisé aux sciences naturelles par son grand-père agronome, il suivit des études secondaires à Paris avant d'être recruté comme préparateur (1889) et promu sous-directeur (1899) au laboratoire d'entomologie du Muséum National d'histoire Naturelle de Paris où il effectuera toute sa carrière. Spécialiste des Coléoptères Tenebrionidae, Elatéridae, des espèces parasites ou coprophages, et prioritairement des Bostrychidae, il publia également sur les Diptères et les Hyménoptères. Dans le domaine de l'entomologie appliquée, il s'est intéressé aux parasites de l'homme, et créa le terme de "phorésie". Responsable de la collection nationale de Coléoptères, il effectua plusieurs missions en Afrique, et fut candidat malheureux contre René Jeannel à la direction du laboratoire d'entomologie. Il est décédé le 10 novembre 1949.

Pierre Justin Marie Macquart (1778-1855)

Né et décédé à Lille, fils de magistrat, lui-même propriétaire vivant de ses revenus, essentiellement intéressé par les Diptères, d'abord du Nord de la France (monographie des Empidae, 1823), puis exotiques (nombreux articles entre 1838 et 1852), il publia une "Histoire Naturelle des Insectes Diptères" en 1835, pour lesquels il créa une base de classification ; il fut aussi l'auteur d'une monographie des phytophages (1853), et présenta à la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille de nombreux articles sur son matériel d'étude ; il fit don de sa bibliothèque personnelle à la Société en 1853 ; celle-ci la céda ensuite au Musée d'Histoire Naturelle de Lille. Il publia également deux ouvrages d'entomologie appliquée : "Plantes herbacées d'Europe et leurs insectes" et des "Arbres et arbrisseaux d'Europe et leurs insectes", totalisant 900 pages. Il présida à quatre reprises la Société des Sciences (1827, 1838, 1847, 1854). Sa collection, contenant de nombreux types, est conservée pour partie au Musée d'Histoire Naturelle de Lille et pour une autre partie au Muséum de Paris.

Lucien François Lethierry (1830 - 1894)

Entomologiste lillois, spécialiste de l’étude des Hémiptères et notamment des Cicadelles sur lesquels il a publié de nombreux travaux. Il est l’auteur d’un Catalogue des Hémiptères du département du Nord. Il s’intéressait aussi aux Coléoptères et au Hyménoptères. Ses collections furent rachetées par Deyrolle et vendus principalement dans divers musées. Ainsi, une partie de ses Hémiptères est conservée au Musée d’Histoire naturelle de Lille. Les 6000 hyménoptères furent acquis par Ed. Brabant propriétaire du Château de Morenchies près de Cambrai. Le Château fut occupé par les allemands pendant la guerre 1914-1918, et la collection considérée comme emportée en 1915 par les troupes d’occupation avec catalogue, notes et archives, et ainsi perdue. Cependant très récemment, 6 grandes boites d’hyménoptères de sa collection ont été retrouvées à la Faculté catholique des Sciences et Technologies de Lille.

Anatole de Norguet (1779-1850)

Homme très actif, rentier et entomologiste amateur, il fut l'auteur de différents ouvrages, historiques ("Histoire de la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille (1802-1860)", parue en 1825, "Catalogue de la bibliothèque de la Société des Sciences, de l'Agriculture et de Arts de Lille", paru de 1829 à 1831) ; ces documents récapitulatifs sont aujourd'hui particulièrement précieux, l'hôtel de ville de Lille qui abritait les archives de la société ayant brûlé en 1816. Il présida cette société - dont il était membre depuis 1862 - en 1885, après en avoir été bibliothécaire en 1867 et secrétaire général en 1877. Il réalisa également des travaux de Malacologie, poursuivant les études de son prédécesseur N. A. J. Normand, et publia un "Catalogue des Mollusques terrestres et aquatiques du département du Nord" (1872). Mais il est essentiellement connu pour ses travaux d'entomologie fondamentale et appliquée : "Mémoire sur les insectes nuisibles aux betteraves" (1860), "Catalogue des Coléoptères du département du Nord" (1863). Sa collection comportait essentiellement des Coléoptères, des Hémiptères et des Hyménoptères. A la fin de sa vie, il se consacra plutôt à l'histoire locale (dont d'événements religieux), et à la rédaction de biographies.

André Goulliart (1923-2010)

Nous n’oublions pas André Goulliart, fils de Maurice, qui bien que n’ayant pas réalisé d’oeuvre entomologique, s’est occupé des affaires de la Société pendant des décennies, d’abord Secrétaire, puis Vice-Président. Assidu à nos réunion, organisant des sorties, il s’est longtemps chargé de la tâche fastidieuse de réalisation et d’envoi du bulletin.

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La Société entomologique du Nord de la France est membre de
la Fédération Française des Sociétés de Sciences Naturelles.